( j'cours après mon ombre )

❛ I hadn’t even left my room and already my day had taken a U-turn straight to hell.

01• Tu fumes. Tu saurais plus dire quel âge t'avais quand t'as allumé ta première clope, mais t'avais pas un poil au menton... depuis t'as jamais su t'arrêter. Quand à ton premier joint, t'avais seize ans. Et pareil que pour la clope, tu sais plus faire sans. 02• T'as une peur phobique des araignées, même si t'essaies toujours de jouer au bonhomme quand t'en croises une dans ton appart. 03• Tu peux pas démarrer ta journée sans ta dose de caféine, de nicotine et de musique. C'est ton rituel et faut surtout pas te déranger avant que t'aies fini au moins ta cigarette. Mais avec la petite, ça a un peu été chamboulé... aujourd'hui, la musique est plus dans ton casque, mais dans l'enceinte et ta clope attend qu'elle ait fini de manger. 04• Avant tu t'balladais souvent à poil chez toi, depuis que t'as Neveah, tu mets quand même un pantalon de jogging, histoire d'être présentable. 05• T'as appris à jouer de la guitare quand t'étais môme. T'as préféré ça, au foot. Et tu chantes plutôt bien aussi. 06• Tu t'es mis au sport y a pas si longtemps que ça. Conscient que ton hygiène de vie était pas au top. A croire que ta fille t'as fait remettre pas mal de choses en questions sur ta manière de vivre. 07• Tu continues d'être mal à l'aise quand tu dois emmené Neveah à ses cours de danse... c'est pas tout à fait ton univers, et on va pas s'mentir, t'es toujours pas capable de la coiffer correctement... 08• Tu te ronges les ongles quand t'es trop stressé et tu fumes aussi deux fois plus de clopes. 09• T'essaies de plus jouer les don juan depuis que ta fille vit avec toi. Des aventures, ça a dû t'arriver trois fois ces trois dernières années... Et sûrement les trois au début... Ouais en gros ça fait un bail que t'as plus baisé quoi ! 10• T'as tendance à pas dire que t'as une gamine à la maison. Tu sais pas trop pourquoi... Tu l'aimes ta gosse, c'est peut être juste parce que t'as toujours cette peur latente qu'on vienne te la reprendre. Que ce soit sa mère, le reste de sa famille, ou pire les services sociaux.

❛ One man’s bad day is another man’s good night.

Tu te figes. En une fraction de seconde, c'est comme si ton sang s'était glacé dans tes veines. Le palpitant qui peine à retrouver un rythme normal. T'es là, planté comme un con dans cette connerie de jardin, bien trop décoré pour Noël. T'as envie de gerber. Le goût amer de la bile au fond de la gorge, qui brûle. Tu sens tes muscles se crisper, tu trembles jusque dans tes baskets. Et puis tu déconnectes complet, c'est comme si tu contemplais le reste de la scène, comme un simple spectateur, hors de ton corps. Tu te vois prendre une pierre qui traîne à tes pieds, tu sens même pas sa surface lisse et froide dans ta main. Tu reprends tes esprits lorsque t'entends le bruit du verre qui se brise et les cris de surprise de la famille que tu viens de déranger. Le père, vocifère et saute presque jusqu'à cette fenêtre que tu viens d'exploser. Il t'insulte, sûrement, toi, t'entends à peine ce qu'il te dit. Et c'est à son tour de se figer. " Caleb. " Qu'il prononce dans un murmure incrédule. Et toi, tu prends tes jambes à ton cou, sans un mot, sans te retourner. Tu cours sans t'arrêter jusqu'à ce que tes poumons te brûlent, jusqu'à ce que l'air ne trouve plus son chemin plus loin que dans ta trachée. Tu revois ces images, qui t'arrachent ces larmes, que tu essuies d'un revers de manche un peu trop agressif. Il était là, dix ans après vous avoir abandonnés. Ton père, les tempes un peu plus grisonnantes que dans tes souvenirs, les rides un peu plus marquées aussi. Lui et sa femme et ses nouveaux enfants ! Il a refait sa vie, comme si vous n'aviez jamais existés. Connard ! Il vous a effacés, oubliés. Remplacés. Alors que vous subissez toujours son absence, comme une éternelle souffrance inexpliquée. Qu'il crève !

Pause. On rembobine, t'es pas sûr d'avoir tout suivi là. " C'est ta fille, Cal. " Tu bouges pas, tu dis rien. Toi qu'a toujours la gueule ouverte, ça fait tout bizarre. Ton cerveau essaie de processer le truc, mais  y a un bug. Tu fais les calculs, enfin t'essaies, parce qu'en vrai t'es plus très sûr de quand tu l'as fréquentée... Et la gamine, tu saurais même pas lui donner un âge ! Mais dans quel merdier tu t'es fourré ?! Tu vas pas mentir, tu commences à paniquer sérieux-là. Alors ta réaction est pas forcément la plus diplomate. " Tu te fous de ma gueule ?! Tu fermes ta gueule sur le fait que t'es enceinte, tu chies un gosse, sans rien me dire ou me demander mon avis. Et cinq ans plus tard, tu reviens l'air de rien, en espérant je sais pas quoi de moi ! Mais oublies-moi ! C'était tout de suite qu'il fallait venir. Et j't'aurai tenu la main pour que t'avortes. " Tu t'emportes, tu gueules un peu trop fort, t'as même réussi à faire pleurer sa fille. Ta fille. Bordel. Dans ta tête ça disjoncte, tu te lèves, t'attends pas qu'elle te réponde. Tu veux rien savoir, t'as 23 piges, t'es un gamin, t'as la vie devant toi et t'as en tout cas pas envie de te caser et encore moins de t'occuper d'un mouflet que t'as jamais voulu. " Elle a trois ans. " C'est tout ce qu'elle te dit, alors que tu reprends ta veste. Elle te toise, les bras croisés, le regard noir. Tu pensais qu'elle allait exploser à son tour, te hurler dessus, mais y a rien qui vient. Et ça te fait presque bizarre, t'es légèrement désarçonné. " Ouais, grand bien lui fasse. " Tu te casses, sans te retourner. Tu fuis, le plus vite et le plus loin possible. T'as juste une envie, tout oublier, faire comme si tout ça n'avait jamais existé. Toi, papa ? C'est la blague du siècle ! T'es loin de t'imaginer, que d'ici quelques jours, t'auras plus l'choix, la gamine laissée sur le pas de ta porte, avec quelques affaires et une lettre.