( deer in headlights )

❛ I hadn’t even left my room and already my day had taken a U-turn straight to hell.

( dad ) Pilier d'une vie entière, fondation solide d'une existence tremblante, Kit aime son père avec tout le souffle dont elle est capable. Car sans lui, elle n'est rien. Car sans lui, elle est seule. Un père aux épaules fortes, qui emportaient Kit dans des aventures merveilleuses, dont l'imaginaire n'avait pas de limite. Un père au front plissé et aux sourires qui soignent, dont les mains tendres pansent les grandes blessures, sauf une. Car il a l'espoir fané et le cœur en berne, la moitié arrachée, l'amour déçu. Il garde le menton hors de l'eau car Kit lui tient la main – mais les secrets s'accumulent et les silences s'allongent. Il ne mentionne jamais sa mère, qui a laissé ce goût amer au creux de ses lèvres, dont il ne reconnaît plus rien depuis qu'elle a revêtu l'orange. Perdu entre les sentiments pénibles et la rage abyssale qu'il voue en silence à celle qui lui aura tout donné puis tout repris. –– ( mom ) Elle sent encore la pression de ses lèvres contre son front, la dernière nuit avant la chute, lorsque sa mère s'est penchée au-dessus de ses traits d'enfants, et soufflé sur les poussières pour une dernière promesse. Tout ira bien. Et Kit l'a cru, même lorsqu'elle s'est éveillée sur le cri des sirènes et le silence de son père. Même lorsque sa mère a fixé le trottoir, mains croisées, et dont le regard n'a jamais frôlé la silhouette de son enfant avant de disparaître derrière la vitre. Même lorsqu'elle attendait, bercée par les histoires d'un grand-père à la voix tremblante, que la sentence tombe et qu'on lui retire sa maman. Le silence de son père, les yeux noirs de chagrin, de colère, de honte, lorsqu'il a poussé la porte, échine courbée et mains fébriles, et expliqué à l'enfant que sa mère ne reviendrait plus. Et elle y croit encore, malgré les mots frappés à l'encre et les décisions irrévocables, malgré les évidences et les affirmations. Sa mère est innocente. Et elle a le cœur battant, lorsqu'elle y songe, et les paumes humides et la colère qui lui tord l'estomac. Sa mère est innocente. Et elle est décidée à le prouver. –– ( justice ) La nausée chatouille sa gorge, lorsqu'elle songe aux injustices et au monde qu'on lui a légué, bercée des douces illusions et des vérités tues. La chute fut féroce et abrupte, et depuis, la foudre grogne entre ses côtes, silencieuse et retenue. Dans les derniers rayons du soleil, elle claque les doigts sur le clavier, paupières plissées et la ténacité sans limite. Car sa mère est innocente – et que l'injustice se répand sur tous les maux, et que les gens biens sont accablé des tragédies, et que les autres regardent en silence ou rient de leurs victoires. Kit est amère. Enfant au cœur trop grand et aux ambitions gigantesques, elle s'écorche les mains pour sauver le monde. Ses talents informatiques ne sont que secret bien gardé – elle pirate et elle gratte les surfaces pour découvrir les secrets et exposer les vérités, le visage dissimulé dans l'ombre de sa chambre aux murs enfantins. Et s'il le faut, elle brandira les slogans lors de manifestations, masquant ses ambitions de cette passivité qui rassure, des mots uniques qui n'engendrent rien qu'une voix parmi les autres, pour ne pas inquiéter son père. Car ses jeux sont dangereux, et les secrets sont terribles. –– ( music ) Kit joue du violon avec une passion immense et une délicatesse inouïe. Les premiers essais furent curieux et bancales – elle avait neuf ans, le cœur brisé et les repères ébranlés. Son père lui a offert son instrument – un bijou à la valeur inestimable. Elle ne s'en est jamais séparée. Assez talentueuse pour se démarquer, pas assez virtuose pour se voir offrir une bourse, elle a longtemps rêvé en silence d'entrer au Conservatoire. Elle joue parfois dans la rue pour le plaisir et les quelques billets qu'on daigne lui offrir par pure pitié. Ils n'ont pas les moyens. Le café reste difficilement à flot, ils coulent lentement sous les dettes. Kit a depuis longtemps oublié ses rêves et son père espère encore pour deux. Parce qu'il a promis – et que sans espoir, il n'y a plus rien. –– ( running ) Elle foule les trottoirs et les pistes avec une rapidité affolante. Elle court, court quand tout va mal, court quand tout va bien. L'adrénaline s'infiltre dans ses poumons et infecte ses veines, les bronches envahies par cette liberté éphémère, le souffle coupé et l'air qui manque, mais elle ne s'arrête qu'au bord de l'épuisement, repoussant ses limites à chaque foulée. Il n'y a rien d'autre que le bruit de ses pas sur le gravier, rien d'autre que l'air qui assaille son visage. C'est son refuge, le remède à tout ses maux. Aussi, elle est pilier de l'équipe d'athlétisme de son lycée, on applaudit sa vitesse extraordinaire et son esprit de compétition détonnant. On compte sur elle, toujours, parfois trop. Elle n'a jamais déçue. Pas encore. –– ( smart ass ) Sa main est sans cesse hissée vers le ciel. Elle engage des débats interminables, pose des questions inhabituelles, celles qui dérangent et font grincer des dents. On roule des yeux lorsque sa voix frappe l'air des salles de classe. Et est toujours là, curieuse et avide, l'esprit vif et tortueux. On s'attend à ce qu'elle fuse entre les silhouettes pour énoncer ses idées, alimenter les discussions, plisser le front et répliquer sans sourciller, "oui mais..." elle ennuie les moins passionnés, déplaît à ceux qui voit en elle une concurrente. Et pour quelques billets, elle mettra volontiers ses talents au service des moins inspirés, et rédigera en secret les devoirs à leur place.